Merci à Stéphanie ENCINAS de m’avoir accordé du temps dans son planning surchargé de candidate au Conseil de l’Ordre ! Du temps pour parler de sa carrière, de ses valeurs, de sa vision de la profession d’avocat.
L’occasion pour moi d’en apprendre davantage sur cette consœur dont j’apprécie le tempérament chaleureux et combatif !
Ganaëlle SOUSSENS
Bonjour Stéphanie, qui es-tu ? Que tu nous parlais de ton parcours ? Que fais-tu aujourd’hui ?
Stéphanie ENCINAS
Merci, Ganaëlle, en tour cas, pour cette interview. Donc je suis Stéphanie Encinas et je suis associée depuis maintenant 12 ans d’un cabinet en droit public qui s’appelle LETANG AVOCATS. Nous sommes reconnues dans une niche du droit public à savoir l’urbanisme commercial, c’est-à-dire les implantations de grandes surfaces en France. Nous travaillons également beaucoup dans le domaine du droit de l’urbanisme, c’est à dire tout ce qui concerne les permis de construire, les autorisations administratives de construire.Mon parcours, i est un peu particulier parce qu’en fait, j’ai effectué des études en droit des affaires. J’ai débuté classiquement dans une petite collab’ en droit des affaires. Je suis intervenue comme avocat commis d’office pendant de nombreuses années, ce qui m’a permis de m’aguerrir aussi un peu.Et puis, j’ai eu l’opportunité de rejoindre le cabinet LETANG, comme collaboratrice en 2007, puis comme associée maintenant depuis 12 ans.Finalement, je me suis donc retrouvée à pratiquer du droit public tous les jours depuis 15 ans. C’est pourquoi je m’identifie maintenant plus comme une avocate publiciste par ma pratique de tous les jours, même si j’ai encore quand même des bons vieux réflexes de privatiste.Et puis, une autre particularité, en tout cas aujourd’hui, c’est que je suis candidate avec Nicolas MAHASSEN aux élections au Conseil de l’Ordre.
G.S.
Ce qu’est-ce qui t’a motivée à t’engager dans cette aventure électorale ?
E.S.
Je pense que ça dépend vraiment des personnes et des opportunités. Je n’ai pas forcément baigné dans un milieu de confrères qui avaient des envies ordinales et qui étaient très motivés. Mais c’est vrai que l’année dernière, j’ai eu l’opportunité de pouvoir me présenter. Même si notre candidature était un peu improvisée, je me suis dit que ce serait peut-être une occasion unique, de me présenter à cette élection-là, de rencontrer plein de confrères. Dans le cadre de mon milieu de droit public, je suis toujours un peu en relation avec les mêmes confrères, surtout dans notre niche professionnelle.Et là, j’ai passé deux mois fantastiques, à rencontrer des confrères qui ont d’autres pratiques que les miennes, parce que c’est vraiment l’enjeu. Sur plus de 34.000 avocats au barreau de Paris, il y a tellement de façons différentes d’exercer, d’idées que font émerger les confrères, comme toi avec AppliCab. Je trouve ces échanges extraordinaires.Je me suis dit que j’y avais ma place. D’abord par mon profil d’avocat en droit public. qui est peu représenté au Conseil de l’Ordre, même je dirais qu’à partir du 1er janvier 2024, il n’y aura plus d’avocats en droit public au Conseil de l’Ordre.
Ganaëlle SOUSSENS :
Sauf toi. 😊
Stéphanie ENCINAS ;
Voilà. Sauf moi, évidemment (rires)
Et surtout, je me suis dit, au bout de 20 ans d’expérience, peut-être que je peux apporter ma petite pierre à l’édifice, donner de mon temps. Je l’ai fait quand j’étais avocat commune office mais aujourd’hui avec des dossiers pro bono, mais ce n’est pas pareil. Je me suis dit : « ces 3 ans, c’est un challenge ». Mon associée – Gwenaëlle LE FOULER – est mon premier soutien dans cette aventure et c’est primordial. A la maison aussi, parce que ça veut dire beaucoup de travail en plus. J’ai fait une première campagne, j’ai vu comment ça se passait et je suis encore plus motivée pour gagner cette année !
G.S.
C’est drôle parce que quand je te vois évoluer, je trouve que tu as pris les habits de la candidate, mais les « beaux » habits.
S.E.
C’est sûr que je suis un peu en campagne depuis plusieurs mois déjà. Finalement, il y a les campagnes officielles depuis le début octobre. Mais en réalité, on est un peu en campagne plusieurs mois à l’avance pour aller à la rencontre des confrères afin qu’ils apprennent à te connaitre.
Et surtout, leur poser la question : « Quelles sont vos problématiques ? » Pour qu’on puisse réfléchir dans le cadre de notre candidature.
Évidemment, on ne peut pas répondre à tous les besoins mais nous pouvons les prendre en compte dans le cadre de notre candidature spécifique d’indépendants. C’est-à-dire deux candidats non syndiqués, ne venant pas non plus de grands cabinets internationaux, mais représentant une grande majorité des conditions d’exercice du barreau,
G.S.
Dans l’hypothèse où tu serais élue, sais-tu combien de temps tu vas devoir consacré à tes activités ordinales ? Comment tu vas répartir ton activité entre ton cabinet et tes nouvelles fonctions ?
S.E.
Aujourd’hui j’ai plein de camarades qui sont au Conseil de l’Ordre, puisqu’on était dans la campagne l’année dernière. J’ai bien compris que j’allais travailler beaucoup (rires).
Mais c’est tellement passionnant, aussi de découvrir tout le travail qui est derrière et qui est fait par l’Ordre. Donc, c’est parfois difficile de dire non à une commission, à un événement. Après, c’est à toi de gérer ça, personnellement, avec ta charge de travail, en étant outillée au cabinet, avec un collaborateur, une collaboratrice ou un/une stagiaire, et une associé qui te soutient.
Je crois que j’apprendrai aussi à gérer mon engagement ordinal afin qu’il soit compatible avec mon activité au cabinet que je tiens évidemment à préserver. SE
G.S.
Est-ce que tu anticipes une baisse de chiffre d’affaires ?
S.E.
Non, pas nécessairement. Mon objectif c’est « pas de baisse de chiffre d’affaires ». Peut-être pas de hausse, ça c’est sûr !
Pendant la campagne précédente, c’était déjà un rythme effréné.
Une fois élue tu as la réunion du conseil qui a lieu tous les mardis matin. Après, tu as des commissions et après, tu dois travailler en plus parce que tu as des rapports à rendre.
Mon objectif, c’est le maintien du chiffre d’affaires et je sais que j’ai une super équipe au cabinet sur qui je peux compter, qui est vraiment très compétente, très fiable.
Je pense qu’il faut gagner en efficacité et apprendre à déléguer, faire monter nos collaborateurs compétence. On n’est pas toujours indispensable, mais il faut que le travail se fasse.
G.S.
je suis admirative de ton évolution, tu as des collaboratrices, puis associée, maintenant candidate conseil de l’Ordre, quel beau parcours !
Tu vas continuer à déployer des ailes dans tes nouvelles fonctions.
S.E.
Ma première campagne arrivait à un moment personnel dans ma vie un peu difficile, j’avais perdu ma mère peu de temps avant, j’avais besoin d’autre chose que le cabinet.
Aujourd’hui, après 20 ans d’expérience, je suis moins dans la production, il y a des tâches que j’ai moins envie de faire.
Ces deux campagnes m’ont redonné un second souffle et ça fait du bien.
G.S.
Quelles sont les ¾ problématiques principales dont les confrères te parlent et qui sont du ressort de l’Ordre ou pour lesquelles nos institutions peuvent apporter des réponses ?
S.E.
L’un des premiers sujets, c’est la question de la collaboration libérale. Et j’entends cette problématique tant du côté collaborateurs et que du côté associés. C’est-à-dire qu’on a des collaborateurs aujourd’hui et des collaboratrices qui ont de nouvelles aspirations, qui ont de nouvelles préoccupations, spécialement la qualité de nos conditions d’exercice. Et évidemment, il faut que les contrats de collaboration, la « réglementation » de la collaboration évolue. La question c’est dans quel sens ?
Parce qu’on est toujours à la limite du salariat, parce qu’émerge aussi la notion de collaborant à côté de celle d’associé.
Le sujet c’est aussi que parmi ceux qui recrutent, certains font partie d’une génération où on a une conception de la profession qui est peut-être « dépassée », en tous cas plus du tout en accord avec les attentes des jeunes confrères.
Et il y a notre génération, les 35/50 ans. On ne veut pas faire subir à nos collaborateurs ce que nous on a subi. Mais pour autant, on est encore un peu en décalage avec les nouvelles aspirations des jeunes confrères.
C’est pour cela que dans mes échanges avec les plus jeunes confrères je leur dis « Expliquez-moi, expliquez-moi comment on peut faire pour trouver un juste milieu, pour que ça convienne à tout le monde ». Et de ses échanges, j’arrive à la conclusion il faut trouver un nouveau modèle, ou plutôt plusieurs nouveaux modèles pour s’adapter aux différents types de cabinet que comporte un grand barreau comme le nôtre.
L’intelligence artificielle est aussi un des sujets régulièrement abordées par les confrères qui se demande ce que cela va changer pour nous. Comment allier droit et intelligence artificielle ?
Je crois qu’une partie de la réponse c’est de savoir comment, nous, on s’en empare pour en faire un outil. Comment on gère la problématique du secret professionnel, celle de l’hébergement des données.
Parmi les problématiques évoquées, il y a également celle de la rémunération de l’apport d’affaires et d’une levée, au moins partielle, de son interdiction.
Enfin, beaucoup de confrère m’ont demandé ce que l’ordre c’est vraiment pour eux, spécialement lorsqu’il rencontre un problème dans le cas de leur collaboration.
G.S.
Parmi ces sujets, quels sont ceux sur lesquels tu aimerais réfléchir ? SE
S.E.
La question de la collaboration, le thème du management au sein des cabinets est, pour nous, un thème fondamental. Les formations régulièrement être mises en place par le Barreau entrepreneurial et c’est super ! Je me demande parfois cela ne serait pas intéressant de rendre ce type de formation obligatoire, comme la déontologie.
Je constate qu’aujourd’hui les confrères qui se forment sur le sujet du management sont ceux qui ont déjà pris en compte la nécessité de devenir un vrai manager
D’autres considère que ce n’est pas un sujet, ce qui me laisse douter de leurs compétences managériales…
Je crois que nous sommes des entrepreneurs, c’est pour ça que j’aime beaucoup ton initiative, tout ce que tu fais pour justement améliorer la productivité au sein des cabinets, améliorer la gestion de ses dossiers parce que je trouve que trop longtemps, on a considéré l’avocat dans sa fonction assez noble, en partie de la bourgeoisie, Ce n’est plus possible. Mon ancien patron ne parlait pas d’honoraire. Aujourd’hui, l’honoraire, c’est le nerf de la guerre.
Par les honoraires, c’est comme manager son équipe, ça s’apprend.
C’est aussi pour cela que j’aime les rencontres entre avocat, notamment chez ClubRzeo, pour le partage d’expérience.
G.S.
Je réalise que ton champ de compétences entre tes premières années d’exercice et aujourd’hui, il s’est considérablement élargi. Parce que tu m’as dit, j’ai commencé comme collaboratrice en droit des affaires. Tu t’es formée à l’urbanisme commercial, au lobbying, au management. Maintenant, tu vas intégrer les instants. C’est drôle parce que dans les parcours inspirants comme le tien, on voit que la compétence de base, elle existe toujours, mais il y a eu un enrichissement presque permanent.
Je comprends que tes besoins, tes envies ont évolué, que tu les as entendus, y a donné suite mais, pour autant que tu n’as rien « perdu » sur ton métier d’avocat, au contraire tu as agrandi ta sphère de compétences.
S.E.
Oui, tout à fait. C’est chouette, c’est encourageant.
G.S.
2 questions pour finir :
- Qu’est-ce que tu aimes le moins dans ta vie pro aujourd’hui ,
- Et qu’est-ce que tu aimes le plus ?
S.E.
Ce que j’aime le moins, c’est l’absence de visibilité sur l’activité à long terme. En fait, c’est très court / moyen terme. On peut avoir des pics d’activités où là, on est sous l’eau. Puis d’un seul coup, c’est beaucoup plus calme, ce qui est inquiétant. Je trouve ça vraiment fatigant parce qu’on n’est jamais serein…
Ce que j’aime le plus, c’est que par mon métier, j’aide les gens. Quel que soit le biais sur lequel je travaille, j’aide les gens. Que ce soit le particulier que j’aide dans le dépôt de son permis de construire, un exploitant d’un supermarché qui a envie d’avoir son autorisation parce que c’est hyper important pour le développement de son activité, ce professionnel travaille énormémentpour son supermarché, avec sa femme, son frère, sa soeur, etc. Et oui, il mérite d’avoir cette autorisation qui va l’aider à vraiment développer son activité.
Et là justement, dans le cadre des élections du Conseil de l’Ordre, je me dis que je vais pouvoir intégrer une instance qui va représenter les consoeurs et les confrères et qui va essayer de les aider dans leur exercice, dans les difficultés comme dans les bons moments, justement, de développement d’activité, comme toi, avec AppliCab, comme d’autres. Et c’est ça que j’aime. En tout cas, moi, ce que j’aime, c’est aider les autres.
G.S.
Un très beau programme en tout cas ! Je suis admirative, pourtant je te connaissais, on avait déjà eu l’occasion d’échanger, mais je suis super contente de cette occasion d’en apprendre davantage sur toi. Merci beaucoup de m’avoir consacré du temps dans ton agenda déjà hyper chargé !
On croise les doigts pour les élections les 28 et 30 novembre prochain.