Être avocat, c’est souvent une vocation, on ne choisit pas ce métier par hasard, on le choisit parce qu’on ne supporte pas l’injustice, parce qu’on a une âme de sauveur et puis vient l’URSSAF 😂 Et là, on réalise qu’il va falloir concilier vocation et pérennité de l’activité. Alors on travaille de plus en plus et là on découvre l’épuisement moral et physique 😫 jusqu’au burn out pour – hélas- nombre d’entre nous. C’est là qu’on réalise qu’il va falloir aussi concilier l’équilibre financier du cabinet et l’équilibre personnel de l’avocat et qu’il faut exercer dans des conditions « durables » et « soutenables ».
C’est quoi un cabinet rentable ?
C’est un cabinet qui :
- verse à l’avocat une rémunération convenable,
- fait face à l’intégralité de ses charges (cotisations, loyers, fournisseurs, etc.),
- dispose de trésorerie pour financer des investissements, sa “R&D” en quelque sorte : formation continue, création d’un site internet, achat de prestations de communication, marketing, adhésion à un réseau, etc.
Il faut additionner les 3 montants correspondant pour connaître le chiffre d’affaires à réaliser pour être rentable. Par exemple, pour une année : 45.000 € de rémunération + 55.000 de charges + 10.000 € d’investissement, soit 110.000 € au total. Le cabinet devra réaliser un C.A. de 110.000 € pour être rentable.
Où trouver les chiffres ?
C’est assez simple.
Si vous exercez en SELARL, l’information se trouve dans la liasse fiscale, à la ligne : “Total des charges d’exploitation”, ligne GF. Le montant qui y figure inclut la rémunération de l’avocat (ligne FY).
Vous achetez au total des charges d’exploitation, la somme que vous voulez consacrer à vos investissements et le tour est joué.
Pour donner un ordre de grandeur, 5% consacré à la R&D est un minimum pour développer son activité.
Si vous exercez en individuel, êtes assujetti.e aux B.N.C., vous trouverez le total de vos dépenses professionnelles à la ligne 33 de votre déclaration 2035 (case BR). Il faut y ajouter votre rémunération et le montant des investissements.
Comment un cabinet d’avocat devient-il rentable ?
La rentabilité est atteinte lorsque le chiffre d’affaires est suffisant pour rémunérer l’avocat, assumer les charges professionnelles et investir. La vraie question est “comment atteindre le chiffre d’affaires cible ? »
En remplaçant les intuitions, les “à-peu-près” par des données objectives.
Par exemple, le nombre d’heures facturées par an. Si vous notez déjà votre temps en distinguant le temps passé à des activités facturables et celui consacré à des activités qui ne le sont pas, vous connaissez votre nombre d’heures facturables par an. Sinon, voici un base de réflexion.
Un avocat travaille 5 heures par jour. Ce chiffre peut surprendre mais ceux qui notent leur temps vous le confirmeront : enregistrer + de 5 heures par jour sur sa time sheet demande un sacré effort. Or, nous sommes dans une perspective d’exercice “soutenable”, on se prolonge sur le long terme. Donc 5 heures/jour.
On travaille 5 jours par semaine (pas davantage 🙅🏻), 47 semaines par an (52-5), soit 1.175 h/an, dont 800 facturables environ. Le chiffre d’affaires cible doit donc être réalisé dans ces 800 heures.
Si mon C.A. cible est de 110.000 €, je dois facturer au minimum 137,50 € de l’heure. Cela ne signifie pas que je facture “à l’heure” mais, pour chaque tâche, je dois veiller à ce que le montant facturé corresponde a minma au nombre d’heures passé x 137,50 €. En-deça, je travaille à perte.
Connaître ces chiffres est essentiel pour prendre les bonnes décisions:
- fixer ses tarifs sur des bases objectives,
- refuser les dossiers qui ne sont pas rentables.
Rester rentable
Les 10 commandements de la rentabilité du cabinet d’avocat :
- Noter son temps pour surveiller le respect du taux horaire minimum (137,50 € dans notre exemple).
- Dépasser ce taux horaire cible pour thésauriser, se créer un petit matelas de sécurité pour faire face aux imprévus : variation du montant des cotisations sociales, projet personnel, etc.
- Augmenter régulièrement ses tarifs, doucement mais sûrement, on pourra par exemple s’inspirer de l’indice INSEE du coût des services juridiques.
- Réfléchir à des modes alternatifs de facturation : forfait par étape, par diligence, etc.
- Facturer + des prestations : le suivi des dossiers par exemple : x € / semestre.
- Facturer des frais : un forfait par semestre ou un pourcentage du montant de honoraires par exemple.
- Surveiller ses coûts, chaque année une lecture attentive de son Grand Livre permet de visualiser ses dépenses professionnelles et de les interroger, idéalement à faire à 2, chacun épluche le Grand Livre de l’autre et pointe – avec bienveillance – les postes sur lesquels il pense que des économies pourraient être réalisées.
- Ajuster ses coûts : si je travaille pour un clientèle peu fortunée, inutile de louer dans le quartier le plus chic et le plus cher.
- Faire jouer la concurrence entre fournisseurs : copieur, assurances, expert-comptable, etc.
- Adopter les outils qui font gagner du temps, tout en gardant à l’esprit que leur adoption suppose d’engager des ressources (temps et argent) pour un bénéfice à venir dans un futur proche et sur du long terme.
Le long terme, c’est souvent l’horizon auquel nous pensons le moins, les yeux rivés sur l’agenda. Pourtant le long terme – sauf à être en fin de carrière 🧓 – c’est ce qui nous attend et pour être capable d’exercer “heureusement” pendant les décennies à venir, faire du bon travail pour ses clients, il faut être serein côté finances. L’une des clés serait peut-être de considérer que travailler “sur” son cabinet est au moins aussi important que de travailler “dans” son cabinet.