Avocat x développeur : comment crée-t-on une LegalTech ?

De plus en plus d’avocats manifestent leur intérêt pour la tech, qu’il s’agisse d’améliorer leur productivité, la qualité de leurs services, d’équiper leurs cabinets d’outils performants ou encore, pour les plus audacieux, de faire développer des outils sur-mesure, voire des applications pour leurs confrères, leurs clients, etc.

Mais comment trouver le bon partenaire tech ? Comment communiquer avec lui? 

Parce que si l’on reproche – à juste titre – aux avocats leur jargon, quid de celui des experts du code 😉?

Doit-on associer son développeur ? Le salarier ? Choisir un free-lance ou une agence ?

Deux acteurs du secteur livrent leurs retours d’expérience

  • Ganaëlle SOUSSENS, avocat et fondatrice d’AppliCab Avocats
  • Xavier HEN, leader du collectif NEODELTA.

Questions à AppliCab

Comment avez-vous choisi NEODELTA ?

Réponse :

Après de longues et fastidieuses recherches… Après la livraison de la v2 d’AppliCab,  en juin 2022, je me suis mise à la recherche d’un nouveau partenaire tech. ça a pris quasiment 9   mois pour trouver le bon. A force d’échanger avec des “candidats”, j’ai fini par me faire une idée des prix du marché, détecter les “red flags”, ceux qui vous font peur pour vous vendre des prestations inutiles, les contrats mal ficelés. C’est quand même compliqué pour un avocat de signer un contrat bancal 🙂 J’allais quand même pas leur rédiger leur contrat…Sans parler des prestataires qui ne sont pas assurés correctement et ceux avec qui le dialogue est difficile, avant même d’avoir démarré la mission. Bref, je savais ce que je ne voulais pas !

C’est facile de dialoguer avec un développeur ?

Réponse :

Pas toujours !

On ne parle pas du tout le même langage d’où l’importance de trouver un interlocuteur qui fait l’effort de comprendre le projet et de se faire comprendre.

Quelle différence entre les développeurs et les autres prestataires ?

Réponse :

La grande différence c’est,  qu’en quelque sorte, le développeur détient les clés de la boîte ! S’il plante l’outil, tout peut s’arrêter. Bien sûr il y a des sauvegardes,donc c’est un peu caricatural mais quand même…Si on ne s’entend pas bien, si on ne comprend pas, si le développeur cesse de s’impliquer l’outil va en pâtir, ses utilisateurs aussi, son devenir peut être compromis.

Avec l’expérience on a appris qu’on peut changer d’équipe et qu’un nouveau développeur peut reprendre le travail d’un autre, même s’ils préfèrent bosser sur leurs propres “créations”,les bons développeurs sont capables de tout !

Quel mode de coopération vous semble le plus approprié ?

Développeur associé / salarié / alternant ?

Freelance ou agence ?

Réponse :

Associé : non, car il est difficile de garantir sa mobilisation sur le long terme, surtout si le produit, le service met du temps à trouver sa rentabilité. Le développeur devra prendre d’autres projets et sera moins voire plus disponible du tout.

Salarié : se pose le problème du coût et aussi de l’attrait pour le développeur

Alternant : je trouve que ce n’est pas “juste” car la contrepartie du “faible coût” d’un alternant c’est l’obligation de contribuer à sa formation, ce qui suppose d’avoir des développeurs seniors en internet.

Freelance : pourquoi pas mais dans notre parcours nous avons constaté que les freelance passent de mission en mission et se désintéressent des projets à moyen terme

Agence ou collectif : le meilleur système pour nous ! plusieurs spécialistes qui s’entraident, mutualisent leurs savoir-faire, quand ils jouent “collectif” – comme c’est le cas chez NEODELTA, c’est top ! L’avantage aussi c’est que si l’un des intervenants sur le projet ne répond pas totalement aux attentes, les autres membres du collectif le voient tout de suite et proposent des solutions. Cela permet de ne pas pénaliser le projet si tel ou tel n’est plus disponible ou plus motivé par le projet. 

Et c’est aussi très efficace d’être plusieurs à réfléchir sur un sujet, l’intelligence collective est irremplaçable. 

Qu’est-ce que vous avez appris/retenez de cette collaboration avec NEODELTA ?

Réponse :

Un véritable partenariat s’est tissé entre nous, NEODELTA connaît très bien l’outil et est devenu une force de proposition, on a maintenant un partenaire fiable sur qui se reposer pour répondre aux attentes des utilisateurs, faire évoluer AppliCab, cela ouvre un immense champ des possibles pour l’avenir !

Au final, vous préférez le droit ou la tech ?

Réponse :

La LegalTech 🙂c’est une aventure incroyable

Questions à NEODELTA

Comment avez-vous commencé à travailler avec des avocats ? La LegalTech est-elle un secteur que vous développez spécialement ?

Réponse

Notre collaboration avec le secteur juridique chez NEODELTA s’est développée de manière inattendue au final, mais elle était en réalité le fruit d’une convergence naturelle d’intérêts et d’opportunités ciblées. Grâce à nos relations avec des avocats au barreau de Nancy, nous avons pu approfondir notre compréhension des enjeux légaux et commerciaux. Bien que la LegalTech ne soit pas un domaine que nous avions initialement prévu de développer de manière spécifique, nous avons constaté que de nombreux clients dans ce secteur apprécient particulièrement notre approche axée sur le business. Peut-être est-ce parce que nous parvenons à les comprendre un peu mieux que les autres (rires). Ces expériences, initialement sporadiques, ont révélé une synergie intéressante entre notre expertise technologique et les besoins uniques des professionnels du droit. Cela nous a conduit à augmenter nos collaborations avec des acteurs des LegalTech, où notre capacité à saisir à la fois leurs enjeux technologiques et commerciaux semble faire écho.

C’est facile de dialoguer avec un avocat ?

Réponse

(rires) Dialoguer avec un avocat, nous allons dire que c’est un exercice d’équilibre entre deux mondes : le juridique et le technique. Chez NEODELTA, nous avons appris à traduire nos idées techniques en langage accessible et à comprendre les exigences spécifiques du domaine juridique, ce n’est pas forcément simple tous les jours mais nous y attachons beaucoup d’importance. Cela demande une écoute attentive et une volonté de s’adapter à un environnement qui évolue constamment. La clé réside dans la communication claire et une collaboration étroite.

Quelle différence entre les avocats et les autres clients ?

Réponse

Je pense faire une réponse de normand sur celle-ci, mais travailler avec des avocats présente des défis et des opportunités uniques. La principale différence réside dans la nature précise et rigoureuse du travail juridique. Les avocats ont des exigences élevées en matière de précision, de confidentialité et de conformité, ce qui nous pousse à être extrêmement méticuleux dans notre approche du développement, ce qui est d’ailleurs bénéfique même dans nos autres projets. Ne nous cachons pas, nous essayons de faire les choses bien surtout pour ne pas nous faire poursuivre par nos propres clients (rire).

Quel mode de coopération privilégier ?

Développeur associé / salarié / alternant ? Free-lance ou agence ?

Réponse :

J’ai évidemment ma préférence (rires), mais tout dépend vraiment du contexte et des relations que le porteur de projet peut avoir avec un écosystème numérique. Personnellement, je pense que commencer un projet avec une agence, que ce soit une agence web classique ou un collectif de freelances, est souvent la meilleure option. Cela permet d’avoir affaire à des experts, de définir clairement le cadre du MVP (Minimum Viable Product), de se concentrer sur les fonctionnalités essentielles et de se confronter rapidement au marché. Si le projet rencontre du succès, il est judicieux de continuer avec l’agence en négociant les termes mais pas trop, il faut bien que tout le monde puisse vivre de son travail (rires) tout en envisageant d’internaliser. Cette internalisation peut prendre la forme d’un futur directeur technique qui s’investit dans le projet, ou bien en montant votre propre équipe de développeurs, à condition de savoir précisément ce que vous faites. L’essentiel est de rester flexible et d’adapter l’équipe et les compétences aux évolutions du projet. D’ailleurs le choix d’un collectif, en l’occurrence, permet cette flexibilité bien plus aisément qu’un ou plusieurs développeurs embauchés. Je finirais en déconseillant l’alternance : l’alternance est un super outil en France et nous avons la chance de l’avoir, cependant il s’agit d’accompagner ces personnes et elles doivent être encadrées et formées par des professionnels qui transmettent le savoir. Jamais une marque de voiture allemande bien connue ne confierait ses lignes de productions intégralement à des alternants, pourquoi le faire pour votre entreprise ?

Qu’est-ce que vous avez appris/retenez de cette collaboration avec AppliCab Avocats ?

Réponse

La collaboration avec AppliCab Avocats a été particulièrement instructive pour nous, parce qu’elle présentait des défis uniques. Le projet, existant déjà, nous a confrontés en premier lieu à une migration d’hébergeur et à une reprise du code historique, ce qui n’était pas une mince affaire. Notre équipe a su relever ce défi avec brio, accompagnant AppliCab tout au long de l’année 2023. Actuellement, une refonte est en cours, avec pour objectif d’apporter une réelle plus-value au projet. Cette refonte est conçue non seulement pour améliorer l’expérience des avocats utilisant la plateforme, mais aussi pour enrichir le service offert à leurs clients. Cette expérience nous a enseigné l’importance de la flexibilité, de l’adaptation et du travail d’équipe face aux défis techniques et aux exigences évolutives des projets.

Au final, vous préférez la tech ou le droit ?

Réponse

“Au final, préférer la tech ou le droit ?” Honnêtement, aucun des deux – ce sont deux domaines beaucoup trop compliqués ! (rires). Plus sérieusement, le Droit, de prime abord, peut sembler peu attrayant et la Technologie, parfois intimidante, pour une partie comme pour l’autre. Mais ce que nous avons découvert chez NEODELTA, en travaillant sur plusieurs projets de LegalTech, c’est la magie qui opère lorsque ces deux univers se rencontrent. Surtout avec l’arrivée des IA génératives, on arrive à avoir de super résultats alors que ça aurait pu nous paraître être des montagnes à surmonter auparavant. Donc, si je devais vraiment choisir, je dirais que c’est cette combinaison des deux qui est vraiment passionnante et gratifiante. Je pense que ça se voit chez nos clients avocats que nous remercions chaleureusement pour leur confiance.