La question des honoraires est un sujet épineux pour la plupart des avocats. Nos clients font appel à nous alors qu’ils sont dans une situation délicate et c’est dans ce contexte que nous devons évoquer le fait que notre intervention à leurs côtés, pour résoudre ce qui les préoccupe, fera l’objet d’une facturation.
Il nous incombe de fixer avec justesse le montant de cette facturation. Notre déontologie donne bien sûr quelques critères pour cela, mais ils sont éminemment subjectifs : l’expérience de l’avocat dans la matière, l’intérêt du litige ou encore la situation de fortune du client. Rien en somme qui permette de sortir du questionnement : quelle valeur a mon travail ? Combien vaut ce que je peux apporter à ce client ? Et bien souvent, en filigrane, combien je vaux ?
Personne, je crois, n’a de réponse à ces questions 🧐 En revanche, chacun sait plus ou moins combien il veut et il/elle le sait d’autant mieux qu’il/elle se sera penché.e en amont sur cette question 🤑
Combien je veux gagner ? 🏆
Les avocats sont des prestataires de services, ce qu’ils vendent c’est leur temps et leur savoir-faire. Donc, même si l’on ne facture pas l’heure, le temps est une donnée essentielle en matière de facturation. Et le temps 🕑 est une ressource épuisable. Il y a 52 semaines dans une année, desquelles il faut retrancher au moins 5 semaines de congés, soit 47 semaines de travail. Et l’on travaille, plutôt on produit, environ 25 heures par semaine. Le volume annuel de production et donc de 1 200 heures, dont 800 heures facturables.
La question est maintenant de savoir quel montant je dois facturer pendant ces 800 heures.
Pour faire simple, voici les trois données essentielles qui permettent de fixer le montant de ses honoraires :
- le montant annuel de ma rémunération (je mets cet élément en tête de liste),
- les coûts de fonctionnement de mon cabinet (vous les trouverez dans vos documents comptables des années passées),
- le montant que je souhaite éventuellement investir pour communiquer sur mon activité en vue de la développer, me former à une nouvelle matière, créer une activité accessoire, etc.
L’addition de ces 3 montants vous donne votre objectif annuel de facturation.
Par exemple, si je veux gagner 50 000 € par an, que les coûts de fonctionnement de mon cabinet sont de 80 000 €, et que je souhaite investir 20 000 € pour son développement, je vais devoir facturer 150 000 € par an.
Pour décliner cet objectif en mois, je le divise par 10,5 (on ne facture généralement pas beaucoup au mois d’août, ni pendant la 2e quinzaine du mois de décembre). Mon objectif de 150 000 € annuels devient donc 14 300 € par mois.
Comment je fixe mes prix ? 💰
Si, par exemple, vous ne traitez que des dossiers de cession de fonds de commerce, vous connaissez à peu près le nombre de dossiers que vous pouvez traiter par mois. Disons 2. Pour atteindre votre objectif de 14 300 € par mois vous devrez donc facturer 7 150 € pour chaque cession de fonds de commerce.
Autre exemple, si vous pratiquez le contentieux, vous pouvez estimer le nombre d’assignations et de jeux de conclusions que vous pouvez rédiger par semaine, le nombre d’audiences ou encore de réunions d’expertise que vous pouvez assurer par semaine. Vous pouvez également consulter votre agenda des trois derniers mois, compter le nombre de réunions d’expertise, d’audiences de plaidoirie, de mises en état que vous avez assurées.
Imaginons 1 mois bien rempli :
- 2 assignations au fond
- 4 jeux de conclusions en réplique
- 2 jeux de conclusions sur incident
- 4 audiences de plaidoirie
- 2 réunions d’expertise
Soit 14 tâches pour un objectif de facturation de 14 300 €. Je peux donc imaginer de facturer chacune de ces tâches 1 000 € ou bien de facturer 500 € les conclusions sur incident et 1 250 € chaque audience de plaidoirie. J’ajuste ainsi mes tarifs pour arriver à l’objectif que je m’étais fixé 📈
Il s’agit ici d’une proposition, d’une façon de faire, il en existe beaucoup d’autres et, quel que soit la méthode adoptée, l’idée est de la tester, d’en mesurer les résultats et d’ajuster si besoin, dans une optique d’amélioration permanente.
Ajuster ses coûts 🎯
Dans certaines hypothèses l’avocat n’a pas la maîtrise du montant de ses honoraires. C’est le cas lorsque le client impose un barème ou encore en matière d’aide juridictionnelle. L’avocat reste en revanche maître de la manière dont il exécute sa prestation.
Pour dire les choses simplement, si j’interviens pour un client au titre de l’aide juridictionnelle, je vais devoir concentrer mes efforts sur les tâches indispensables au dossier : la rédaction des actes par exemple et « cadrer » la relation avec le client afin de ne consacrer que le temps strictement nécessaire pour le moment sur son dossier.
Je sais bien que les clients attendent beaucoup de leur avocat, spécialement en matière familiale, mais notre périmètre d’intervention se limite à ce qui juridique, judiciaire. Il nous faut imaginer 🤯 des moyens pour que les clients se sentent écoutés, respectés, tout en préservant la rentabilité de notre activité.
Voici plusieurs pistes de réflexion 💡 glanées au fil de mes échanges avec des confrères :
- allouer à chaque dossier un quota d’heures consacrées aux échanges avec le client et lui indiquer clairement dès l’ouverture du dossier,
- donner des indications claires sur les modalités de communication des pièces : 1 document = 1 fichier PDF,
- déterminer à l’avance la durée des rendez-vous : 1 heure par exemple pour le 1errendez-vous, puis 15 minutes pour les rendez-vous suivants,
- tester et adopter les outils qui permettre de gagner du temps, etc.
L’objectif de ces aménagements est de permettre à l’avocat d’exercer dans des conditions financières justes et équilibrées. Lorsque le montant des honoraires facturés pour un dossier est en deçà du montant que l’avocat aurait fixé lui-même, il n’y a rien de choquant à ce qu’il ajuste les modalités d’exécution de sa mission. Lorsqu’on choisit la classe économique d’une compagnie aérienne, l’on n’est pas choqué de ne pas se voir offrir une coupe de champagne avant le décollage… 😉
Devenir expert sur le sujet 🎓
Plus on s’intéresse à une question, plus on y réfléchit et plus on en acquiert la maîtrise. Donc, la première fois que vous avez réfléchi à la question des honoraires vous n’avez peut-être pas trouvé de solution ; la deuxième fois vous avez un peu plus avancé sans doute sans avoir encore abouti votre réflexion. Mais à partir de la troisième, de la quatrième fois, en vous aidant d’exemples, de nouveaux apprentissages, vous aurez progressé 💪 Et, à chaque fois que vous recommencerez l’exercice qui consiste à se pencher sur cette question, en analyser les tenants et les aboutissants, ce sera de plus en plus facile et, sans même vous en être rendu compte, vous serez devenu un véritable expert en la matière.
Votre 100e plaidoirie est sans doute très différente de votre 1ère. Le chemin est le même pour chacun des apprentissages professionnels : je découvre, je tâtonne, je me trompe, j’essaye de nouveau, je me trompe encore, je me décourage, je persiste et je recommence, je me trompe de moins en moins, j’enrichis mon expertise de nouvelles compétences et je gagne en maîtrise 🥳.