J’ai souvent entendu dire qu’on était des professionnels libéraux, pas des commerçants, que nous sommes auxiliaires de justice, pas entrepreneurs. Il y a, dans ces affirmations, toujours un soupçon de mépris pour les commerçants ou les entrepreneurs, comme s’ils n’étaient pas des gens respectables…
Comme si nous devions nous draper dans notre robe de dignité et nous tenir au-dessus des contingences de la vie économique. Tout en exerçant au milieu des acteurs de la vie économique : employeurs, bailleurs, assureurs, etc.
Et, lorsque nous sommes en grande difficulté, nous pouvons être placés en redressement, voir en liquidation judiciaire, comme une entreprise donc ?
Ce postulat du refus de l’entreprenariat des avocats est, à mon sens, un non-sens et le meilleur chemin vers la déroute, individuellement et collectivement. N’en déplaise aux puristes, nous sommes des prestataires de services juridiques, nous avons des clients, des fournisseurs, parfois des salariés. Nos cabinets facturent et encaissent du chiffre d’affaires, paient des cotisations, des factures et des rémunérations et, s’ils ne sont pas financièrement à l’équilibre, leur pérennité n’est pas assurée.
C’est quoi un avocat entrepreneur ?
Un avocat qui défend les intérêts de ses clients et les siens. Quelqu’un qui applique la règle « Aime ton prochain comme toi-même ».
J’observe des avocats qui font preuve d’une pugnacité et d’un engagement hors norme dans leurs dossiers mais négligent totalement leurs propres intérêts : sous-facturent, s’épuisent. C’est un paradoxe que je ne m’explique pas. Je ne leur jetterai pas la pierre pour avoir vécu comme ça pendant quelques années. Il m’aura fallu un « presque crash » pour changer de braquet et devenir progressivement un avocat entrepreneur.
Concrètement, ça consiste en quoi ?
– Définir une cible, un persona, dresser une carte d’empathie,
– Réfléchir à sa facturation, la repenser, imaginer des offres pour facturer en toute sérénité
– Communiquer sur ses offres, ses services,
– Mettre en place une organisation rationnelle pour ne plus être tout le temps débordé.e,
– Se fixer des objectifs et se donner les moyens de les atteindre,
– Être rentable et le rester,
– Prendre soin de la relation avocat/client.
Comment devenir un avocat entrepreneur ?
Un vrai défi quand on n’a jamais étudié que le droit ! Et, qu’au surplus, on n’a pas une grande appétence pour les chiffres. On peut aussi renverser la proposition et considérer qu’ayant mené à bien des études de droit, on est tout à fait capable de se former à l’entreprenariat.
Voici 5 pistes pour développer ses compétences d’avocat entrepreneur :
– Les podcasts dédiés à l’entreprenariat en général – par exemple « Le podcast de Paulien LAIGNEAU » – et à l’entreprenariat des avocats « Avocats Génération Entrepreneurs »,
– Les livres « techniques » comme « La semaine de 4 heures » de Timothy FERRISS,, les biographies d’entrepreneurs,
– Les conférences TED par exemple, les interviews de Richard SUSKIND qui réfléchit beaucoup à l’évolution de la profession d’avocat,
– Les webinaires, on en trouve sur tous les thèmes : marketing, legal design,
– La formation continue, notamment celle proposée par les écoles de formation des barreaux,
– Les coachs et consultants spécialisés ou non dans l’organisation, le développement des cabinets d’avocats, Facilaw ou Anomia par exemple,
– Les réseaux professionnels, dans lesquels on apprend énormément au contact d’autres entrepreneurs.
– L’apprentissage des soft skills : le management, la communication via le DISC par exemple.
Une seule réserve à propos de toutes ces ressources : on y célèbre beaucoup les succès, les exploits en faisant l’impasse sur les difficultés, les ratages qui, à mon sens, font partie intégrante de l’entreprenariat. Il ne faut donc pas développer de complexes face à tant de performances étincelantes, mais plutôt garder à l’esprit que tous ces parcours formidables sont aussi émaillés de moments moins glorieux, de doutes, dont on parle moins facilement…
Entrepreneur et heureux
Il ne faut pas voir ces sujets comme des injonctions, des buts à atteindre là, tout de suite, mais plutôt comme des axes de réflexions, d’améliorations.
Se souvenir qu’une entreprise ne se construit pas du jour au lendemain, que penser son cabinet en entrepreneur est davantage un état d’esprit qu’une fin en soi.
S’autoriser à tâtonner, à tester, à se tromper, à apprendre de ce qui ne fonctionne pas.
S’accorder d’avancer pas à pas.
Se dire qu’à chaque fois que l’on met en place une idée, une solution, on enrichit son expérience, son expertise d’entrepreneur,
Que devenir un avocat entrepreneur s’inscrit dans un continuum, que nos carrières sont longues et que pour durer il faut exercer dans des conditions durables 🌳, out donc le stress et l’épuisement.